Page:Buffenoir - Cris d’amour et d’orgueil, 1887-1888.djvu/7

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7

Je répète ton nom aux échos du rivage,
Je l’écris en tremblant sur le sable doré,
Et la vallée ainsi connaît mon esclavage,
Et le tourment divin dont je suis dévoré.

Chênes ombreux des bois, hêtres de la prairie,
Mystérieux séjour, poétique horizon,
Inspirez-moi ce soir une svelte chanson
Qui réjouira demain ma maîtresse chérie !

Que tes séductions, que ta simplicité
Revivent dans mes vers, ô nature charmante !
Prête-leur un moment ta grâce et ta beauté
Afin d’ensorceler le cœur de mon amante !

Gais sentiers, fleurs des champs, source de la forêt
Où les ramiers vont boire et lustrer leur plumage,
Que ma superbe amie, en lisant mon hommage,
Y trouve un souvenir de votre frais attrait !

Qu’elle y sente vibrer mon âme inassouvie,
Et qu’à mon doux appel languissant à son tour,
Elle se lève, et vienne, et m’apporte la vie
Dans un élan fougueux de jeunesse et d’amour !



TRISTESSE


Les arbres qu’on a plantés

demeurent, et nous nous en

allons !
Voltaire.


Je m’attriste parfois, ô chère créature,
En songeant aux printemps des siècles à venir,
Aux soleils qui verront d’autres amants s’unir
Quand nous ne serons plus qu’une poussière obscure.

Hélas ! nous quitterons ce séjour enchanteur,
Ces vallons, ces rochers… et ces plaines fécondes,
Et ces bois embaumés dont l’abri protecteur
Connaît, sans les trahir, nos ivresses profondes.

Il semble, n’est-ce pas, qu’un destin aussi beau,
Qu’une si poétique et si tendre aventure
Devrait durer toujours au sein de la nature,
Et ne point aboutir à la nuit du tombeau !

Il semble que jamais nous ne verrons s’éteindre
Les nobles voluptés qui bouillonnent en nous,
Que l’avide néant n’osera nous atteindre,
Et qu’en paix nous pouvons braver le temps jaloux !