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DU BUDDHISME INDIEN.


assis sous l’arbre Bôdhi, au moment où il venait d’atteindre à l’état de Buddha parfait. Quant à moi, je me suis rendu au lieu où se trouve Bhagavat, et y étant arrivé, je lui parle ainsi : Que Bhagavat entre dans l’anéantissement complet ; voici venu pour le Sugata le temps de l’anéantissement complet. Mais Bhagavat répondit : Je n’entrerai pas, pécheur, dans l’anéantissement complet, tant que mes Auditeurs ne seront pas instruits, sages, disciplinés, habiles ; tant qu’ils ne sauront pas réduire par la loi tout ce qui s’élèvera contre eux d’adversaires ; tant qu’ils ne pourront pas faire adopter aux autres tous leurs raisonnements ; tant que les Religieux et les Dévots[1] des deux sexes n’accompliront pas les préceptes de ma loi, en la propageant, en la faisant admettre par beaucoup de gens, en la répandant partout, jusqu’à ce que ses préceptes aient été complètement expliqués aux Dêvas et aux hommes. — Mais aujourd’hui, ô respectable, les Auditeurs de Bhagavat sont instruits, sages, disciplinés, habiles ; ils savent réduire par la loi tout ce qui s’élève contre eux d’adversaires ; ils peuvent faire adopter aux autres tous leurs raisonnements. Les Religieux et les Dévots des deux sexes accomplissent les préceptes de la loi, qui est propagée, admise par beaucoup de gens, jusqu’à être complètement expliquée aux Dêvas et aux hommes. Voilà pourquoi je dis : Que Bhagavat entre dans l’anéantissement complet : voici venu pour le Sugata le moment de l’anéantissement complet. — Pas tant de hâte, ô pécheur, tu n’as plus maintenant beaucoup de temps à attendre. Dans trois mois, cette année même, aura lieu l’anéantissement [du Tathâgata] dans l’élément du Nirvâṇa, où il ne reste plus rien de ce qui constitue l’existence[2]. Alors Mâra le pécheur fit cette réflexion : Il entrera donc dans l’anéantissement complet, le Çramaṇa Gâutama[3] ! Et ayant appris cela, content, satisfait, joyeux, transporté, plein de plaisir et de satisfaction, il disparut en cet endroit même.

« Alors Bhagavat fit cette réflexion : Quel est celui qui doit être converti par Bhagavat ? C’est Supriya, le roi des Gandharvas[4], et le mendiant Subha-

    de Gayâçîrcha, est un des morceaux les plus intéressants du Lalita vistara. (Lalita vistara, f. 131 a de mon man.) Le mot Bôdhi est le nom que les Buddhistes donnent au figuier (ficus religiosa) sous lequel Çâkya atteignit la Bôdhi, ou l’intelligence, et d’une manière plus générale, l’état de Buddha parfaitement accompli. Je pense que ce nom de Bôdhi n’a été donné au figuier qu’en mémoire de cet événement, et c’est à mes yeux une dénomination buddhique plutôt que brâhmanique.

  1. Les termes dont se sert le texte sont Bhikchu (mendiant ou religieux) et Upâsaka (dévot). Je reviendrai sur ces termes dans la section de ce Mémoire relative à la discipline.
  2. Voyez, relativement à cette expression, une note que son étendue m’a forcé de rejeter à la fin du volume. Appendice no I.
  3. Le titre de Çramaṇa signifie « l’ascète qui dompte ses sens ; » il est à la fois brâhmanique et buddhique ; j’y reviendrai dans la section de la Discipline.
  4. Les Gandharvas sont les Génies et les musiciens de la cour d’Indra, qui sont bien connus