Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
INTRODUCTION À L’HISTOIRE


lades, Bhagavat n’était pas plus attaché à toutes ces choses que ne l’est la goutte d’eau à la feuille du lotus. Aussi la gloire et le renom de son immense vertu se répandirent-ils ainsi jusqu’aux extrémités de l’horizon et dans les points intermédiaires de l’espace : Le voilà, ce bienheureux Tathâgata, vénérable, parfaitement et complètement Buddha, doué de science et de conduite, bien venu, connaissant le monde, sans supérieur, dirigeant l’homme comme un jeune taureau, précepteur des hommes et des Dêvas, Buddha, Bhagavat ! Le voilà qui, après avoir de lui-même, et immédiatement[1], reconnu, vu face à face et pénétré cet univers, avec ses Dêvas, ses Mâras et ses Brahmâs, ainsi que la réunion des créatures, Çramaṇas, Brâhmanes, Dêvas et hommes, fait connaître [tout cela et] enseigne la bonne loi ! Il expose la conduite religieuse qui est vertueuse au commencement, au milieu et à la fin, dont le sens est bon, dont chaque syllabe est bonne, qui est absolue, qui est accomplie, qui est parfaitement pure et belle !

Bhagavat alors s’adressa ainsi aux Religieux : Si les êtres, ô Religieux, connaissaient le fruit des aumônes, le fruit et les résultats de la distribution des aumônes comme j’en connais moi-même le fruit et les résultats, certainement, fussent-ils réduits actuellement à leur plus petite, à leur dernière bouchée de nourriture, ils ne la mangeraient pas sans en avoir donné, sans en avoir distribué quelque chose. Et s’ils rencontraient un homme digne de recevoir leur aumône, la pensée d’égoïsme qui aurait pu naître dans leur esprit pour l’offusquer n’y demeurerait certainement pas. Mais parce que les êtres, ô Religieux, ne connaissent pas le fruit des aumônes, le fruit et les résultats de la distribution des aumônes, comme j’en connais moi-même le fruit et les résultats, ils mangent avec un sentiment tout personnel, sans avoir rien donné, rien distribué, et la pensée d’égoïsme qui est née dans leur esprit y demeure certainement pour l’offusquer. Pourquoi cela ? [Le voici.]

Jadis, ô Religieux, dans le temps passé, il y eut un roi nommé Kanakâvarṇa, beau, agréable à voir, aimable, doué de la perfection suprême de l’éclat et de la beauté. Le roi Kanakavarṇa, ô Religieux, était riche, possesseur de grandes richesses, d’une grande opulence, d’une autorité sans bornes, d’une fortune et de biens immenses, d’une abondante réunion de choses précieuses, de grains, d’or, de Suvarṇas, de joyaux, de perles, de lapislazuli, de Çangkhaçila[2],

  1. L’expression que je traduis ici est drĭchtâiva dharmê : ces mots me paraissent signifier « la condition ou l’objet étant seulement vu, aussitôt que l’objet est vu, sur le vu même de l’objet. » Je n’affirme cependant pas que ce doive être là l’unique signification de ces deux mots. Quand drĭchṭa est opposé à son contraire adrĭchṭa, il peut signifier le monde visible, le monde actuel, par opposition à l’autre monde, au monde invisible.
  2. Je ne trouve rien qui explique ce mot de Çangkhaçila (pierre de conque) ; il désigne peut-être la nacre qui tapisse les coquilles.