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DU BUDDHISME INDIEN.

spécial, dans celui de « vie » ou « loi religieuse, » sens qui n’exclut pas, je l’avoue, celui de « chasteté, » mais qui est plus compréhensif. Or, pour être admis avec cette acception par les Buddhistes, il fallait qu’il eût perdu sa signification primitive, celle qu’il a dans les monuments brahmaniques, « l’état de Bramatchârin, ou de Brâhmane accomplissant son noviciat ; » il fallait que les Buddhistes eussent oublié la valeur de ce titre de Brahmatchârin, qui signifie et ne peut signifier que « celui qui marche dans le Vêda. » Qu’un Brâhmane désigne par ce titre son fils ou son élève ; que la loi de Manu consacre cette dénomination et trace longuement les devoirs du noviciat, dont le premier et le plus sévère est en effet le vœu de chasteté, rien n’est plus facile à comprendre. Mais pour que les fondateurs du Buddhisme adoptassent ce terme, il fallait qu’ils ne fissent plus attention à sa signification première, celle de Brahmane novice, et que le mot pût être employé impunément avec le sens de « celui qui entreprend ce un noviciat religieux. » Il fallait enfin qu’il fût presque populaire dans cette acception avant Çâkyamuni, pour que ce dernier pût, sans crainte de confondre sa loi avec celle des Brahmanes, en faire l’usage étendu et tout à fait remarquable que je viens de signaler.

Passons à la seconde caste, à celle des Kchattriyas. Elle existait également du temps de Çâkyamuni, et c’était d’elle que sortaient les rois. Les Sûtras, d’accord avec les autorités brahmaniques, appellent roi un Kchatlriya sur le front duquel a été faite la consécration royale[1]. Çâkyamuni lui-même était un Kchatlriya, car il était fils de Çuddhôdana, roi de Kapilavastu[2]. Quand le Buddha futur, qui n’es| encore que Bôdhisattva, examine avec les Dieux dans quel temps, dans quel monde, dans quel pays et dans quelle famille il est convenable qu’il descende sur la terre pour accomplir sa dernière existence mortelle, l’auteur

  1. Lalita vistara, f. 10 sqq de mon man.
  2. Cette ville est certainement la plus célèbre de toutes celles qui sont citées dans les Sûtras du Nord, et en général dans les livres buddhiques de toutes les écoles. Elle était la résidence de Çuddhôdana, roi des Çâkyas ; et c’est dans un jardin de plaisance qui en dépendait que Siddhârtha, depuis Çâkyamuni, vint au monde. Klaproth, dans une note très-substantielle et fort intéressante, a établi qu’elle devait être située sur les bords de la rivière Rôhinî, l’un des affluents de la Raptî, et non loin des montagnes qui séparent le Népal du district de Gorakpour. (Foe koue ki, p. 199 sqq. Wilson, Journ. Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 123.) Quand nos légendes (et cela est assez rare) parlent de la position de cette ville, elles le font en termes vagues ; ainsi la légende de Rudrâyaṇa dit de Çâkyamuni « qu’il est né sur le flanc de l’Himavat, au bord de la rivière Bhâgîrathi, non loin de l’ermitage du Richi Kapila. » (Divya avad., f. 411 b de mon man.) La Bhâgîrathi étant le Gange dans la plus grande partie de son cours, il faudrait chercher Kapilavastu beaucoup plus à l’ouest ou plus au sud que ne le placent les itinéraires des voyageurs chinois : l’expression de la légende ne doit donc être prise que pour une indication approximative. Fa hian nous apprend qu’au temps de son voyage dans l’Inde, cette ville était déserte et ne comptait plus qu’une dizaine de maisons. (Foe koue ki, p. 198.)