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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

l’entoure, roule dans le cercle éternel de la transmigration ; qu’il passe successivement par toutes les formes de la vie, depuis les plus élémentaires jusqu’aux plus parfaites ; que la place qu’il occupe dans la vaste échelle des êtres vivants dépend du mérite des actions qu’il accomplit en ce monde ; et qu’ainsi l’homme vertueux doit, après cette vie, renaître avec un corps divin, et le coupable avec un corps de damné ; que les récompenses du ciel et les punitions de l’enfer n’ont qu’une durée limitée, comme tout ce qui est dans le monde ; que le temps épuise le mérite des actions vertueuses, tout de même qu’il efface la faute des mauvaises ; et que la loi fatale du changement ramène sur la terre et le Dieu et le damné, pour les mettre de nouveau l’un et l’autre à l’épreuve et leur faire parcourir une suite nouvelle de transformations. L’espérance que Çâkyamuni apportait aux hommes, c’était la possibilité d’échapper à la loi de la transmigration, en entrant dans ce qu’il appelle le Nirvâṇa, c’est-à-dire l’anéantissement. Le signe définitif de cet anéantissement était la mort ; mais un signe précurseur annonçait dès cette vie l’homme prédestiné à cette suprême délivrance ; c’était la possession d’une science illimitée, qui lui donnait la vue nette du monde, tel qu’il est, c’est-à-dire la connaissance des lois physiques et morales ; et pour tout dire en un mot, c’était la pratique des six perfections transcendantes : celle de l’aumône, de la morale, de la science, de l’énergie, de la patience et de la charité. L’autorité sur laquelle le Religieux de la race de Çâkya appuyait son enseignement était toute personnelle ; elle se formait de deux éléments, l’un réel et l’autre idéal. Le premier était la régularité et la sainteté de sa conduite, dont la chasteté, la patience et la charité formaient les traits principaux. Le second était la prétention qu’il avait d’être Buddha, c’est-à-dire éclairé, et, comme tel, de posséder une science et une puissance surhumaines. Avec sa puissance, il opérait des miracles ; avec sa science, il se représentait, sous une forme claire et complète, le passé et l’avenir. Par là il pouvait raconter tout ce que chaque homme avait fait dans ses existences antérieures ; et il affirmait ainsi qu’un nombre infini d’êtres avait jadis atteint comme lui, par la pratique des mêmes vertus, à la dignité de Buddha, avant d’entrer dans l’anéantissement complet. Il se présentait enfin aux hommes comme leur sauveur, et il leur promettait que sa mort n’anéantirait pas sa doctrine, mais que cette doctrine devait durer après lui un grand nombre de siècles, et que quand son action salutaire aurait cessé, il viendrait au monde un nouveau Buddha, qu’il annonçait par son nom, et qu’avant de descendre sur la terre il avait, disent les légendes, sacré lui-même dans le ciel, en qualité de Buddha futur[1].

  1. Lalita vistara, f. 25 a de mon man. Csoma, Life of Shakya, dans Asiat. Res., t. XX, p. 287.