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XV
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

mane et fixés dans l’Inde après deux cents ans environ de courses et d’émigrations, avaient perdu vers le xive siècle de notre ère la copie du Vendidad-Sadé que les exilés avaient apportée de leur patrie. Il avait fallu qu’à cette époque un destour nommé Ardeschir, venu tout exprès du Sistan, leur donnât un exemplaire accompagné de la traduction pehlvie. Dans des temps beaucoup plus rapprochés, au début du xviiie siècle, un autre destour du Kirman, Djamasp, avait dû venir dans le Guzarate pour enseigner de nouveau le zend et le pehlvi aux Parses et corriger même les copies fautives qu’ils avaient des livres saints.

Ainsi la traduction d’Anquetil-Duperron, arrivée en français à travers trois ou quatre langues, n’était qu’une tradition incertaine, et, selon toute apparence, fort altérée. Elle pouvait donner peut-être une idée assez vraie du sens du Vendidad-Sadé ; mais elle ne donnait presque aucune lumière sur la langue zende dans laquelle il était écrit. C’est cette langue, on peut dire, que M. Eugène Burnouf a ressuscitée. D’abord, à l’aide d’une traduction sanscrite du Yaçna faite à la fin du xve siècle par le mobed Nériosengh, sur le texte pehlvi, il put rectifier la traduction qui avait été recueillie par les Parses du Guzarate et que reproduisait Anquetil. Mais, chose bien autrement difficile et considérable, il expliqua tous les mots zends dans leurs formes grammaticales, dans leurs racines, dans leur vraie signification ; et il fit revivre, avec toutes les preuves que peut exiger la philologie la plus scrupuleuse, un idiome qui ne vivait tout au plus qu’à l’état de langue sacrée et religieuse dès le temps de Darius, fils d’Hystaspe. Comment avait-il pu faire cette évocation miraculeuse que personne avant lui n’avait osé tenter ? Il nous a lui-même livré son secret dans la préface du Yaçna ; mais ces secrets ne sont qu’à l’usage de ceux qui peuvent les découvrir eux-mêmes. La traduction d’Anquetil lui donnait le sens général du texte, comme celle de Nériosengh, qui, malgré le sanscrit barbare dans lequel elle est écrite, avait l’avantage de remonter trois siècles plus haut. En outre, cette seconde traduction donnait à celui qui pouvait l’entendre, et au besoin la corriger, une foule de mots dont la racine se rapprochait de celle des mots zends correspondants, ou qui même quelquefois y était identique.

C’est de ce fait heureusement compris et poussé jusqu’à ses dernières conséquences que M. Eugène Burnouf a tiré tous les matériaux de son édifice ; c’est la clef de sa découverte. À l’aide de cette confrontation perpétuelle du sanscrit et du zend, il a pu établir ce grand résultat inconnu jusqu’à lui que la langue zende, quelque nom d’ailleurs qu’on lui donne[1], est contemporaine du dialecte primitif des Védas, et que sans venir du sanscrit, ni l’avoir produit, le zend, moins développé que lui, a puisé à une source commune, comme y ont puisé, bien que dans des

  1. Dans plusieurs passages de l’avant-propos du Yaçna, pages vii, xv et xvi, M. Eugène Burnouf émet un doute sur l’authenticité du mot Zend, par lequel Anquetil-Duperron, après les Parses du Guzarate, désigne la langue dans laquelle sont écrits les livres de Zoroastre. Il pense que le mot Zend est simplement le nom des livres et non pas celui de l’idiome. Dans l’invocation, ou plutôt dans la petite préface que Nériosengh a mise en tête de sa traduction, il déclare qu’il