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INTRODUCTION À L’HISTOIRE
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inspiré à un autre être une pensée capable de ne pas se détourner de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; tant que tous ceux qui doivent être convertis par lui ne l’ont pas été ; tant qu’il n’a pas dépassé les trois quarts de la durée de son existence ; tant qu’il n’a pas confié [à d’autres] le dépôt des devoirs ; tant qu’il n’a pas désigné deux de ses Auditeurs comme les premiers de tous ; tant qu’il ne s’est pas fait voir descendant du ciel des Dêvas dans la ville de Sâm̃kâçya[1] ; tant que, réuni à ses Auditeurs auprès du grand lac Anavatapta[2], il n’a pas développé le tissu de ses actions antérieures ; tant qu’il n’a pas établi dans les vérités son père et sa mère[3] ; tant qu’il n’a pas fait un grand miracle à Çrâvastî. Alors Bhagavat fit cette réflexion : Voilà une action que doit nécessairement accomplir le Tathâgata. Convaincu de cette vérité, il parla ainsi à Prasênadjit, roi du Kôçala : Va, ô grand roi ; dans sept jours d’ici, en présence d’une grande foule de peuple, le Tathâgata opérera, au moyen de sa puissance surnaturelle, des miracles supérieurs à ce que l’homme peut faire, et cela dans l’intérêt des créatures.

Alors le roi Prasênadjit parla ainsi à Bhagavat : Si Bhagavat y consent, je ferai construire un édifice pour que le Bienheureux y opère ses miracles. Cependant Bhagavat fit cette réflexion : Dans quel endroit les Buddhas parfaitement accomplis ont-ils fait de grands miracles pour le bien des créatures ? Les Divinités répondirent à Bhagavat : Entre Çrâvastî et Djêtavana ; c’est en un lieu situé entre ces deux endroits que les anciens Buddhas parfaitement accomplis ont opéré de grands miracles pour le bien des créatures. Bhagavat

  1. Le voyageur chinois Fa hian raconte en détail la légende à laquelle il est fait allusion ici, et A. Rémusat la développe dans d’excellentes notes. (Foe koue ki, p. 124 sqq.) Sâm̃kâçya est une ville anciennement connue des auteurs brâhmaniques. Le Râmâyana (liv. I, ch. LXX, st. 3 b, Schlegel ; et ch. LXXII, st. 3 b, Gorresio) cite ce nom comme il est écrit ici, et Wilson pense qu’il faut le rétablir dans le Vichṇu purâṇa. (p. 390, note 5.) Les Buddhistes de Ceylan nomment cette ville Sâm̃kassa, par suite d’une altération propre au pâli. (Clough, Pâli Gramm. and Vocab., p. 24, st. 4 b.) Au commencement du ve siècle de notre ère, Fa hian étendait ce nom au royaume, ou plus exactement au district dont Sâm̃kâçya était la capitale ; mais au viie siècle, ce district, suivant Hiuan thsang, avait déjà changé de nom. A. Rémusat place Sâm̃kâçya près de Farrakhabad, et Wilson près de Manpury. (Journ. Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 121.) Les ruines de cette ville autrefois célèbre ont été retrouvées en 1842 par M. Al. Cunningham, sur l’emplacement du village de Sâm̃kassa, qui est situé sur la rive septentrionale de la Kâlînadî. (Journ. Roy. Asiat. Soc., t. VII, p. 241.) Le nom et les conditions géographiques sont ici d’accord.
  2. Ce lac est, comme l’a établi Klaproth, le même que le Râvaṇa hrada (Foe koue ki, p. 37), et le nom que lui donnent nos légendes confirme l’explication que j’avais déjà proposée du nom qu’il porte en pâli, Anavatatta, et chez les Chinois, A neou tha. La légende de ce miraculeux voyage de Çâkya est racontée en détail dans le Dul-va tibétain analysé par Csoma de Cörös. (Asiat. Res., t. XX, p. 65.)
  3. Fa hian fait allusion à cette légende fabuleuse. (Foe koue ki, p. 124 et 171. A. Rémusat, ibid., p. 129.) Elle se trouve également rapportée en substance dans l’historien mongol Ssanang Setzen. (Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen, p. 15.)