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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


qui veulent se faire mendiants buddhistes. La jeune fille répond à tout affirmativement. Çâkyamuni exige en outre le consentement formel des père et mère, qui viennent en effet lui affirmer qu’ils approuvent tout ce qu’elle désire ; et c’est alors que distinguant le véritable objet de son amour, la jeune fille reconnaît sa première erreur, et déclare qu’elle est décidée à entrer dans la vie religieuse. Alors Çâkya, pour la préparer à recevoir la Loi, se sert de la formule magique (Dhâraṇî) qui purifie l’homme de tous ses péchés et des souillures qu’il a contractées dans les misérables existences auxquelles l’a condamné la loi de la transmigration[1]. Je laisse maintenant parler la légende.

« Les Brâhmanes et les maîtres de maison de Çrâvastî apprirent qu’une jeune fille de la caste Tchâṇḍâla venait d’être admise par Bhagavat à la vie religieuse, et ils se mirent à faire entre eux les réflexions suivantes : Comment cette fille de Tchâṇḍâla pourra-t-elle remplir les devoirs imposés aux Religieuses et à celles qui les suivent ? Comment la fille d’un Tchâṇḍâla pourra-t-elle entrer dans les maisons des Brâhmanes, des Kchattriyas, des chefs de famille et des hommes riches[2] ? Prasênadjit, le roi du Kôçala, apprit également cette nouvelle, et ayant fait les mêmes réflexions que les habitants de Çrâvastî, il se fit atteler un bon char sur lequel il monta ; et entouré d’un grand nombre de Brâhmanes et de maîtres de maison, tous habitants de Çrâvastî, il sortit de la ville et se dirigea vers Djêtavana, là où est situé l’ermitage d’Anâtha piṇḍika[3]. » Le texte nous représente ensuite le roi entrant dans l’ermitage avec les Brâhmanes, les Kchattriyas et les maîtres de maison, et se rendant auprès de Bhagavat. Chacun, en l’abordant, lui disait le nom et la famille de son père et de sa mère. Alors Bhagavat connaissant les pensées qui s’étaient élevées dans l’esprit du roi et de sa suite, convoqua l’Assemblée de ses Religieux, et se mit à leur raconter une des anciennes existences de la fille du Tchâṇḍâla. Il expose alors l’histoire d’un roi de cette caste, nommé Triçangku[4], qui vivait dans une épaisse forêt située sur le bord du Gange. « Ce roi, ô Religieux, se rappelait les Vêdas, que dans une existence antérieure il avait lus avec les Angas, les Upângas, les Rahasyas, avec les Nighaṇṭus, les

  1. Çârdûla karṇa, dans Divya avadâna, f. 219 a.
  2. Le recueil tibétain de M. Schmidt renferme une légende extrêmement curieuse où des reproches du même genre sont faits par les hautes castes à l’occasion de l’investiture que Çâkyamuni accorde à de misérables mendiants. (Der Weise und der Thor, p. 283, trad. all.)
  3. Divya avadâna, f. 220 a.
  4. Le nom de Triçangku nous est déjà connu par les traditions brâhmaniques, et notamment par le bel épisode du Râmâyana. (Éd. Schlegel, l. I, ch. lvii sqq., et trad. lat., t. I, p. 175 sqq., éd. Gorresio, ch. lix sqq., t. I, p. 231 sqq.) La légende de ce prince est également rapportée par le Vichṇu purâṇa (Wilson, p. 371, note 7) et par le Bhâgavata purâṇa. (L. IX, ch. vii.) Malgré les