Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
DU BUDDHISME INDIEN.

de l’autre manuscrit[1]. Il me paraît évident que, malgré les différences qui existent entre les deux livres, l’un n’est que le développement et la paraphrase de l’autre, et je pense que le plus ancien des deux est la rédaction en prose. C’est ce que nous apprend déjà la première des listes rapportées par M. Hodgson dans son Mémoire sur la littérature du Népâl. Cette liste définit comme il suit ces deux traités : « Karaṇḍa vyûha, de l’espèce des Gâthâs, histoire de Lôkêçvara Padmapâṇi en prose ; et Guṇa karaṇḍa vyûha gâthâ, développement du précédent traité en vers[2]. » Je vais donner l’analyse du plus étendu, c’est-à-dire du poëme ; puis j’indiquerai les passages où il diffère de l’autre traité. Comme, sauf quelques exceptions, il n’y a rien dans le Sûtra en prose qui ne soit dans le poëme, l’analyse de l’un comprend nécessairement celle de l’autre. D’ailleurs, le manuscrit du Karaṇḍa en prose est si incorrect, qu’il m’aurait été beaucoup plus difficile d’en donner un extrait parfaitement exact, qu’il ne me le serait de traduire intégralement le poëme.

L’ouvrage s’ouvre par un dialogue entre un savant Buddhiste Djayaçrî et le roi Djinaçrî qui l’interroge. Djayaçrî annonce que ce qu’il va exposer lui a été enseigné par son maître, le Religieux Upagupta. Il dit que le grand roi Açôka s’étant rendu dans l’ermitage de Kukkuṭa ârâma, demanda au sage Upagupta ce qu’il fallait entendre par le Triratna, ou les Trois objets précieux. Upagupta répond en lui exposant la perfection du Mahâ Buddha, ou du grand Buddha, lequel est né d’une portion de chacun des cinq Dhyâni Buddhas[3] ; celle de la Pradjñâ, appelée la Mère de tous les Buddhas, et surnommée Dharma, ou la Loi ; et enfin celle du Sam̃gha, ou de l’Assemblée, considérée sous un point de vue tout mythologique, et nommée le propre fils du Buddha. C’est là ce qu’on appelle les Trois objets précieux, objets qui méritent un culte spécial, longuement exposé. Upagupta raconte ensuite que jadis le bienheureux Çâkyamuni enseigna aux deux Bôdhisattvas Maitrêya et Sarvanivaraṇa vichkambhin les perfections du saint Avalôkitêçvara, en commençant par les miracles qu’accomplit ce dernier, lorsqu’il descendit aux Enfers pour y convertir les pécheurs, les en faire sortir et les transporter dans l’univers Sukhavatî, dont Amitâbha est le Buddha. Çâkyamuni expose qu’étant né jadis en qualité de marchand,

  1. Le manuscrit du Guṇa karaṇḍa vyûha, composé en prose, appartient à la Bibliothèque royale : celui du poëme fait partie de la bibliothèque de la Société Asiatique.
  2. Hodgson, Notices of the languages, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 428.
  3. Dans ce passage, le grand Buddha est représenté comme naissant de la réunion des cinq Buddhas, qui ne peuvent être ici que ceux de la contemplation : c’est du moins la seule manière dont je puisse entendre la stance où ce Buddha suprême est défini comme suit : Tat yathâdisamudbhûtô dharmadhâtusvarûpakaḥ pañtchabuddhâm̃çasam̃djâto djagadîças Tathâgataḥ. (Guṇa karaṇḍa vyûha, f. 3 b, man. Soc. Asiat.)