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immense, avait une fois encore démontré même aux plus irrésolus la nécessité urgente d’une sérieuse réforme ; il semblait que l’Évangile allait enfin triompher : c’est alors que l’affaire des placards[1] vint, comme en 1528 celle de la mutilation de la Vierge, détruire et changer en deuil les espérances de concorde et de paix. Le despote irrité qui gouvernait la France oublia tout pour ne songer qu’à l’affront fait à son orgueil ; roi du bon plaisir, il ordonne d’exterminer ses sujets hérétiques ; Père des Lettres, il décrète la suppression de l’imprimerie ; les autodafés se multiplient « avec un appareil plus digne d’une horde de sauvages que d’une nation civilisée », le drame sanglant succède à la comédie sacrilège, et, dans une procession sinistre, le chant des prêtres étouffe la voix mourante des martyrs.

Pendant que toutes ces atrocités se commettaient à Paris, la reine de Navarre continuait dans ses États l’œuvre de protection et d’évangélisation qui lui était chère. Elle faisait annoncer la Bonne Nouvelle par son chapelain, elle ouvrait des écoles pour les enfants du peuple, et recevait dans sa petite cour de Nérac les savants et les réformés qui fuyaient la persécution. Elle était, dit l’historien Olhagaray, « l’œillet précieux… de qui l’odeur avait attiré en Béarn, comme le thym les mousches à miel, les meilleurs esprits de l’Europe ». C’est à Nérac que, dans les premiers mois de l’année 1534, Marguerite reçut la

  1. Pendant la nuit du 18 au 19 octobre 1534, on afficha dans les carrefours de Paris, et même sur les murs du palais du roi, des placards où la messe était violemment attaquée.