Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/10

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soi-disant évolution d’Hervé ? Je sais bien qu’Hervé n’a jamais été syndicaliste ; il n’a même jamais été socialiste ; on l’a très bien dit : c’est le dernier républicain, un Bleu de Bretagne ; et son néo-patriotisme révolutionnaire n’est encore qu’une façon de « défense républicaine ». Hervé, ancien professeur d’histoire, de formation toute laïque et quatre-vingt-neuvième, auteur d’un Manuel d’histoire tout à fait selon le cœur de l’État dreyfusien issu de la Révolution dreyfusienne. Hervé qui commença sa carrière politique par une polémique où il défendait une sorte de christianisme à la Tolstoï, c’est-à-dire pacifiste, contre la soi-disant déformation catholique, Hervé est un enfant perdu de la Révolution bourgeoise égaré sur les confins de la Révolution ouvrière, qu’il n’a jamais comprise que sous l’aspect d’une sorte de blanquisme romantique fort suranné. Il a toujours déclaré proférer à la bourgeoisie cléricale et bien pensante la bourgeoisie franc-maçonne et libre-penseuse. Il fut d’ailleurs lui-même franc-maçon. Il vient de rentrer dans le giron de l’Église unifiée. Quand il cria un jour « À bas la République ! » croyez bien que ce ne fut là que l’expression un peu vive d’un très violent « dépit amoureux » ; car Hervé ne s’est jamais brouillé à fond avec la République, et il n’a fait que la bouder cinq minutes, comme un amoureux à qui sa belle fait des misères et qui ne demande qu’à rentrer en grâce au plus vite. Il n’en est pas moins vrai qu’Hervé est l’homme qui, à un moment donné, prit, dans le syndicalisme, par le lancement de l’antipatriotisme, une place que les vrais syndicalistes purent estimer fort exagérée et même dangereuse, mais qui n’en fut pas moins considérable. Par sa sincérité, par la crânerie de ses attitudes, ses nombreuses prisons, Hervé avait pu entraîner derrière lui des