Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est que le mouvement ouvrier est soumis, comme les États eux-mêmes, à cette loi qui veut que plus la centralisation augmente, plus le gouvernementalisme se développe et plus l’on passe de ce qu’on appelle dans le système saint-simonien le « régime militaire » au « régime industriel », disons plus exactement ploutocratique ou pacifiste. La constitution de la C. G. T. c’est-à-dire d’une sorte d’État ouvrier postiche, ne devait pas tarder à produire ses effets naturels ; car, d’une part, il est infiniment plus facile à un gouvernement de traiter avec un gouvernement unitaire et de le manœuvrer dans la coulisse, de l’amener à composition ; et, d’autre part, au sein même de l’organisation centraliste, en raison de son extension et de sa grandeur même, l’esprit guerrier et juridique, fatalement, le cède de plus en plus l’esprit pacifiste et administratif. Les réformistes ont toujours préconisé, dans le mouvement ouvrier, les grandes organisations unitaires et fortement centralisées, et l’on sait que les réformistes sont très pacifistes ; Pelloutier, au contraire, qui avait un sens révolutionnaire si aigu, préconisa toujours la prépondérance des Bourses du Travail, permettant de conserver au mouvement ouvrier un caractère de localisme, de fédéralisme, de décentralisation, de liberté, beaucoup plus grand. Les classes suivent donc la même loi que les États à mesure qu’elles se centralisent, elles tombent dans un césarisme administratif favorable à la domination des puissances d’argent et craintif devant la grève comme devant la guerre. Et le syndicalisme qui, initialement, devait faire brèche à l’État et à la Ploutocratie, se transforme peu à peu en un simple agent manœuvré dans la coulisse par l’État et la Ploutocratie.

Y a-t-il à cet égard rien de plus significatif que la