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LES BELLINI.

Giovanni sent sa situation de chef d’école menacée. Giorgione vient de peindre sa Madone de Castelfranco et plusieurs disciples de Bellini désertent son atelier pour s’attacher à cette gloire naissante.

Avec une vitalité et une souplesse étonnantes, le vieux maître s’approprie les procédés giorgionesques. Il se crée une nouvelle manière, adoucit les contrastes de sa palette, approfondit ses lointains, gradue davantage sa perspective aérienne et oppose victorieusement, en 1505, au chef-d’œuvre de son jeune rival la fameuse Madone de San Zaccaria (p. 121) qui exprime, avec plus de charme et de sobriété, la pensée musicale des pale précédentes.

C’est son dernier effort. Il ne vivra plus désormais que de sa réputation. Mais cette réputation est si solidement établie qu’en dépit des faiblesses évidentes de ses dernières œuvres, Giovanni continue à régner à Venise jusqu’à sa mort (1516).

Ses dernières années furent pourtant assombries par la campagne que mena contre lui la jeune école à la tête de laquelle, après la mort de Giorgione (1511), s’était mis le Titien. Ce différend artistique dégénéra bientôt en une série d’attaques personnelles qui contribuèrent sans doute à abréger les jours du vieux maître.

Plusieurs témoignages contemporains nous prouvent pourtant que Giovanni jouit, jusque dans ses dernières aminées, de l’admiration et du respect de ses contemporains. Durer, auquel il avait fait bon accueil à Venise, le considérait encore, en 1506, comme le premier peintre de l’école.