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les quatre fils aymon

poétique due au trouvère de l’élément tiré des Enfances de Charles Martel amenait nécessairement une conclusion heureuse ; car le grand maire du palais avait vaincu des ennemis et s’était réconcilié avec son roi.

À partir de Vaucouleurs, Maugis intervient quatre fois : il sauve les Fils Aymon, aide à sauver Richard, s’échappe des mains de l’empereur, emporte Charlemagne à Montauban. Il est difficile de distinguer, avec précision, une différence de date entre ces parties. On sent néanmoins que depuis l’intervention de Maugis au combat de Vaucouleurs, la narration doit son élément archaïque aux dons du chevalier faé, de l’enchanteur. La trouvère finit par lui attribuer l’enlèvement de la personne de l’empereur, en souvenir peut-être du roi Chilpérik qui, pour les Austrasiens, avait été enlevé par Eudes d’Aquitaine. Ce roi n’était-il pas, à leur point de vue, la propriété de leur maire du palais ?

Une part considérable est faite au merveilleux, par suite du rôle que prend Maugis de providence de ses cousins, des exploits de Bayard, le cheval faé, de l’intervention divine dans le duel de Renaud et de Roland, dont la ressemblance avec celui de Roland et d’Olivier ne pouvait qu’être remarquée. Cette partie du poème est celle que les versions plus récentes ont le moins modifiée, surtout à partir du départ des Fils Aymont pour Vaucouleurs. Faut-il se hâter d’induire de ces diverses constatations, que cette partie soit, pour le fond, plus près de ses sources que le Beuves d’Aigrement, que les Ardennes, que les souvenirs de la guerre contre les Musulmans, qui présentent à un si haut degré le caractère traditionnel ? L’on en peut seulement inférer que ces parties, dont certaines paraissent remonter à l’épopée la plus archaïque, ont été remaniée souvent et que leur rédaction n’est pas due à l’auteur ou aux auteurs de la partie assonancée[1].

  1. Dans son article, d’ailleurs si abondant en renseignements de toute nature et ingénieux parfois jusqu’à la subtilité, M. Jordan, s’appuyant sur l’analyse de la langue du poème (p. 27-49), a cru pouvoir déterminer la partie la plus ancienne de la rédaction qui nous est parvenue. Sa conclusion dernière est que le noyau des Fils Aymon consiste en une seule laisse assonancée en O (p. 49). Le point de vue auquel je me suis placé est tout différent.