Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/15

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d’excommunication[1] ; il y a aussi la bonne diligence, qui est mère de la bonne fortune. À la vérité, je ne voudrais pas être le filou de la bourse, car si votre grâce a reçu quelqu’un des ordres sacrés, il me semblerait que j’ai commis un inceste ou un grand sacrilège. — Comment donc, s’il a commis un sacrilège ! s’écria le plaintif étudiant. Bien que je ne sois pas prêtre, mais seulement sacristain de religieuses, l’argent de la bourse était le tiers du revenu d’une chapellenie que m’avait chargé de toucher un prêtre de mes amis. C’est de l’argent béni et sacré. — Que le filou mange son péché avec son pain, reprit alors Rincon ; je ne me fais pas sa caution. Il y a un jour du jugement dernier, où tout s’en ira, comme on dit, dans la lessive ; alors on verra quel est l’audacieux qui a osé prendre, voler et filouter le tiers du revenu de la chapellenie. Mais, dites-moi, je vous prie, seigneur sacristain, combien cette chapellenie rend-elle par année ? — Que le diable vous emporte ! s’écria l’étudiant étouffant de colère : est-ce que je suis en état de vous dire ce qu’elle rend ? Dites-moi, frère, si vous savez quelque chose ; sinon, que Dieu vous conserve. Je veux faire publier ma bourse. — C’est un moyen qui ne me semble pas mauvais, reprit Cortado. Mais que votre grâce prenne garde à bien donner le signalement de la bourse, à indiquer bien ponctuellement l’argent qu’elle renferme. Si vous vous trompez d’une

obole, la bourse ne paraîtra plus d’ici à la fin du monde.

  1. On appelait paulinas ces lettres d’excommunication expédiées par les tribunaux ecclésiastiques pour la découverte des choses que l’on croyait volées ou cachées méchamment.