Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/229

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être pour jamais l’asile de la liberté et le temple de la victoire ; tandis que l’autre gémirait tour à tour sous le joug de ses tyrans ou de ses vainqueurs. Le feu qui respire dans les peintures de ce grand poète, ralluma partout l’enthousiasme de la liberté, et éveilla le génie martial des Grecs. Telle est l’idée qu’en avait Lycurgue. Ce grand législateur retournant dans sa patrie, après avoir recueilli le dépôt précieux des lois de Crète et de l’Égypte, y transporta les ouvrages d’Homère. Il le crut capable d’élever l’àme des Spartiates, et digne de les préparer aux sacrifices pénibles et continuels que ses lois allaient leur imposer. Il lui commit, pour ainsi dire, le soin de former les mœurs, et l’associa en quelque sorte à la législation. Homère ébaucha, par le caractère d’Achille, l’idée de l’héroïsme qui fut le modèle d’Alexandre-le-Grand. Ce prince eut même le malheur de l’imiter jusque dans sa férocité : il fit traîner Bétis autour des murs de Damas, comme Achille traîne Hector autour des murs de Troye.

Combien il importe aux écrivains d’avoir des notions justes de la vraie grandeur et du véritable courage ! l’ambition d’imiter Alexandre fut l’àme des actions de César, comme il l’avoua involontairement par les larmes héroïques qu’il répandit aux pieds de sa statue. Ces deux grands hommes enflammèrent d’émulation Mahomet ii et Charles xii. C’est l’âme du seul Homère qui