Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/274

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et en préserva sa vieillesse. C'était le prix de ses vertus , sans doute , mais surtout de cette indul- gence inépuisable , universelle, qui passait dans tous ses discours, et que promettait encore la dou- ceur de son maintien. Né pour aimer , il ne peut liaïr,méme le vicieux, même le méchant. Ce n'est |)()ur lui qu'un être qui n'est pas son semblable , dont il s'écarte sans colère et presque sans cha- grin : douce facilité , qui , sans altérer la pureté de ses mœurs, assurait à la fois et la tranquillité de son âme, et le repos de sa vie ; et qui, lui épar- gnant la peine de haïr le vice , épargnait au vice le soin de se Acnger! Heureux caractère qui ( à moins d'être l'effort d'une raison mûrie , paisible et calme, après avoir tout jugé ) n'est qu'un pré- sent de la nature, et n'est point la vertu sans doute, mais que la vertu même pourrait envier! C'est cette douceur de M. deSainte-Palaye, cest cet intérêt universel , accru par son âge et par son malheur, qui calma la violence de son pre- mier désespoir, qui en modéra les accès , et les changea en une tendre mélancolie qu'il porta jus* qu'au tombeau. Hélas ! on s'étonnait qu'il s'y traî- nât si lentement : on reprochait à la nature de le laisser vivre après son frère. Ah ! c'est qu'il vivait encore avec lui ; il l'entendait; il le voyait sans cesse. Vous en fûtes témoins, messieurs , lorsqu'à l'une de vos assemblées particulières, chancelant, prêt à tomber , il est secouru par l'un de vous

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