Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/280

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dans ses alarmes, bornait avec soin aux mots, à la langue ; enfin, mais avec beaucoup de peine, à l’éloquence), l’académie fut constituée légalement sous la protection du cardinal, à peu près telle qu’elle l’a été depuis sous celle du roi. Cette nécessité de remplir le nombre de quarante, fit entrer, dans la compagnie, plusieurs gens de lettres obscurs, dont le public n’apprit les noms que par leur admission dans ce corps : ridicule qui depuis s’est renouvelé plus d’une fois. Il fallut même, pour compléter le nombre académique, recourir à l’adoption de quelques gens en place, et d’un assez grand nombre de gens de la cour. On admira, on vanta, et on a trop vanté depuis ce mélange de courtisans et de gens de lettres, cette prétendue égalité académique, qui, dans l’inégalité politique et civile, ne pouvait être qu’une vraie dérision. Eh ! qui ne voit que mettre alors Racine à côté d’un cardinal était aussi impossible qu’il le serait aujourd’hui de mettre un cardinal à côté de Racine ? Quoiqu’il en soit, il est certain que cet étrange amalgame fut regardé alors comme un service rendu aux lettres : c’était peut-être en effet hâter de quelques momens l’opinion publique, que le progrès des idées et le cours naturel des choses auraient sûrement formée quelques années plus tard ; mais enfin la nation, déjà disposée à sentir le mérite, ne l’était pas encore à le mettre à sa place. Elle estima davantage Patru en voyant à côté de lui un homme décoré ; et