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908 OEUVRES

Le dogme de la fatalité, répandu chez les anciens, les amena par degrés à concevoir ainsi la tragé- die. D'abord, le besoin que les hommes ont d'être ébranlés fortement, fit qu'on se contenta d'une émotion vive , de quelque manière qu'elle fût produite: Oreste, tourmenté par les furies; Pro- méthée attaché sur le Caucase, tandis que des vau- tours lui déchiraient le cœur: ces affreux spec- tacles suffirent. Ensuite, on s'efforça de rendre intéressant le héros du poème: le poète ménage tellement son action qu'on ne pouvait imputer les crimes de son héros qu'à une fatalité tyran- nique ; c'est ce qui rend Œdipe et Phèdre si at- tachans. Depuis, Corneille , aidé de Guillen de Castro et de son génie , inventa la tragédie fondée sur les passions. Enfin , on est revenu depuis à un genre de tragédie fondé en même temps sur les passions et sur cette dépendance où nous sommes d'une cause supérieure: telle est Sémiraniis^ et telles sont les pièces dont les sujets sont tirés du théâtre des Grecs. Quelque admiration que j'aie pour ce genre , dans lequel on peut offrir aux hommes de grandes leçons et de grands tableaux, j'avoue que je lui préfère la tragédie qui fait couler des larmes de pur attendrissement; telles sont Andromaque , Zaïre, Alzire^ etc.

Lesdifférens peuples policés ont suivi des pro- cédés différcns dans Timitation de la nature. Les Grecs ont prodigué les grands traits , mais s'en sont souvent permis plusieurs qui avilissaient

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