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CHAPITRE III.

De la Société, des Grands, des Riches, des Gens du Monde.


Jamais le monde n’est connu par les livres ; on l’a dit autrefois ; mais ce qu’on n’a pas dit, c’est la raison ; la voici : c’est que cette connaissance est un résultat de mille observations fines, dont l’amour-propre n’ose faire confidence à personne, pas même au meilleur ami. On craint de se montrer comme un homme occupé de petites choses, quoique ces petites choses soient très-importantes au succès des plus grandes affaires.

— En parcourant les mémoires et monumens du siècle de Louis xiv, on trouve, même dans la mauvaise compagnie de ce temps-là, quelque chose qui manque à la bonne d’aujourd’hui.

— Qu’est-ce que la société, quand la raison n’en forme pas les nœuds, quand le sentiment n’y jette pas d’intérêt, quand elle n’est pas un échange de pensées agréables et de vraie bienveillance ? Une foire, un tripot, une auberge, un bois, un mauvais lieu et des petites-maisons ; c’est tout ce qu’elle est tour à tour pour la plupart de ceux qui la composent.

— On peut considérer l’édifice métaphysique de la société, comme un édifice matériel qui serait composé de différentes niches ou compartimens, d’une grandeur plus ou moins considé-