Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/459

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à l’état social. Cependant, je voudrais savoir ce qu’on peut répondre à ces trois objections : Il est sans exemple que, chez les sauvages, on ait vu 1° un fou, 2° un suicide, 3° un sauvage qui ait voulu embrasser la vie sociale ; tandis qu’un grand nombre d’Européens, tant au Cap que dans les deux Amériques, après avoir vécu chez les sauvages, se trouvant ramenés chez leurs compatriotes, sont retournés dans les bois. Qu’on réplique à cela sans verbiage, sans sophisme.

— Le malheur de l’humanité, considérée dans l’état social, c’est que, quoiqu’en morale et en politique, on puisse donner comme définition que le mal est ce qui nuit, on ne peut pas dire que le bien est ce qui sert ; car ce qui sert un moment, peut nuire long-temps ou toujours.

— Lorsque l’on considère que le produit du travail et des lumières de trente ou quarante siècles a été de livrer trois cents millions d’hommes répandus sur le globe à une trentaine de despotes, la plupart ignorans et imbéciles, dont chacun est gouverné par trois ou quatre scélérats, quelquefois stupides, que penser de l’humanité, et qu’attendre d’elle à l’avenir ?

— Presque toute l’histoire n’est qu’une suite d’horreurs. Si les tyrans la détestent tandis qu’ils vivent, il semble que leurs successeurs souffrent qu’on transmette à la postérité les crimes de leurs devanciers, pour faire diversion à l’horreur qu’ils inspirent eux-mêmes. En effet, il ne reste guère,