Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/75

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sinon que des remarques devenues communes peuvent être plus ou moins heureusement rajeu- nies par le mérite de l'expression ? Et d'ailleurs , comment peindre un poète qui souvent semble s'abandonner comme dans une conversation fa- cile ; qui , citant Ulysse à propos des voyages d'une tortue, s'étonne lui-même de le trouver là; dont les beautés paraissent quelquefois ime heureuse rencontre , et possèdent ainsi , poin- me servir d'un mot qu'il aimait , la grâce de la soudaineté; qui s'est fait une langue et une poétique particu- lières ; dont le tour est naïf quand sa pensée est ingénieuse, l'expression simple quand son idée est forte ; relevant ses grâces naturelles par cet attrait piquant qui leur prête ce que la physiono- mie ajoute à la beauté; qui se joue sans cesse de son art ; qui , à propos de la tardive maternité d'une alouette, me peint les délices du printemps, les plaisirs, les amours de tous les êtres, et met l'enchantement de la nature en contraste avec le veuvage d'un oiseau ?

Pour moi , sans insister sur ces beautés diffé- rentes, je me contenterai d'indiquer les sources principales d'où le poète les a vu naître ; je re- marquerai que son caractère distinctif est cette étonnante aptitude à se rendre présent à l'action qu'il nous montre ; de donner à chacun de ses personnages un caractère particulier donl l'unité se conserve dans la variété de ses fables , et le fait reconnaître partout. Mais une autre source de

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