Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/78

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54 OEUVRES

C'est surtout quand il vient de reprendre quel- ques-uns de nos travers , qu'il se plaît à faire cause commune avec nous, et à devenir le disciple des animaux qu'il a fait parler. Veut-il faire la sa- tire d'un vice : il raconte simplement ce que ce vice fait faire au personnage qui en est atteint ; et ^ • voilà la satire faite. C'est du dialogue , c'est des actions, c'est des passions des animaux que sortent les leçons qu'il nous donne. Nous en adresse-t-il directement : c'est la raison qui parle avec une dignité modeste et tranquille. Cette bonté naïve qui jette tant d'intérêt sur la plupart de ses ou- vrages, le ramène sans cesse au genre d'une poésie simple qui adoucit Téclat d'une grande idée , la fait descendre jusqu'au vulgaire par la familiarité de l'expression , et rend la sagesse plus persuasive en la rendant plus accessible. Pénétré lui-même de tout ce qu'il dit, sa bonne foi devient son éloquence , et produit cette vérité de style qui communique tous les mouvemens de l'écrivain. Son sujet le conduit à répandre la plénitude de ses pensées , comme il épanche l'abondance de ses sentimens , dans cette fable charmante où la peinture du bonheur de deux pigeons attendrit par degrés son ame , lui rappelle les souvenirs les plus chers , et lui inspire le regret des illusions qu'il a perdues.

Je n'ignore pas qu'un préjugé vulgaire croit ajouter à la gloire du fabuliste, en le représentant comme un poète qui, dominé par un instinct

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