Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/186

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Enfin, en l’environnant d’illusions, ils le forcèrent d’appuyer de son autorité la division des trois ordres en trois chambres ; ils amenèrent le roi de France à se déclarer le roi des privilégiés : et sans doute on résolut alors la tenue de cette séance royale, dans laquelle on allait dicter des lois arbitraires à ce peuple qui devait se régénérer ; violence du despotisme connue sous le nom de lit de justice, détestée des Français même au temps de l’esclavage, et qui, en 1789, devait révolter des hommes appelés pour être législateurs d’un grand empire.

On la proclame donc cette séance royale, qui devait se tenir quelques jours après. Dans l’intervalle, la porte de l’hôtel de l’assemblée est fermée et gardée par des soldats. Les députés de la nation sont repoussés du lieu de la séance. Le président, M. Bailly, paraît, demande l’officier de garde. Celui-ci a l’audace de lui intimer l’ordre de ne laisser entrer personne dans la salle des états-généraux. « Je proteste contre de pareils ordres, répond le président, et j’en rendrai compte à l’assemblée. » Les députés arrivent en foule, se partagent en divers groupes dans l’avenue, s’irritent et se communiquent leur indignation. Le peuple la partageait. On s’étonne encore aujourd’hui, deux ans après la révolution, que les habitans de Versailles, ces hommes nourris et enrichis ou du faste ou des bienfaits du despotisme, aient montré contre lui une si violente aversion. C’est