Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/290

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renx de ceux que leur dniU) avait estropiés, blessés, brisés, ou qu’étouffait la foule, cette foule s’accroît de moment en moment. C’est dans ce tuinuite, plus effrayant encore par l’ob- scurité du lieu, qu’on se partage les armes, qu’on se les arrache. Les premiers qui en sont saisis, sortent pour faire place à d’autres. On en vit plu- sieurs qui, se traînant à piiine hors de ce souter- rain, exprimaient en même temps, sur leur visage, et la douleur de leurs blessures et le plaisir de se voir armés; les plus robustes portaient à la fois fusils, baïonnettes, sabres, pistolets. On assure que cette seule expédition arma plus de trente mille hommes; douze canons furent aussi le prix de cette heureuse entreprise : conquête encore plus précieuse que celle des fusils, puisque, dès le soir même, plusieurs de ces canons furent tournés contre la Bastille, et les autres placés à différens postes, sous la garde d’une sentinelle. Cependant, ce peuple nouvellement armé se forme comme en bataille dans le champ des Invalides; d’autres se répandent sur le boulevard, dans les rues voisines; et un grand nombre va se poster, d’un air intrépide, mais sans audace et sans bra- vade, en face des troupes campées au Champ-de- Mars, comme pour leur montrer à la fois des intentions amicales et une sécurité guerrière, en leur laissant le choix d’être leurs frères d’armes ou lems ennemis.

Observons que le peuple s’abstint là, comme