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DE CHA.MFORT. 369

ment la nécessité de désarmer la vengeance d’un peuple échappé tout-à-coup de ses chaînes. Il iiillait chercher à le calmer, à l’adoucir. Sans doute ce n’est point calomnier la chevalerie française, ni même le cœur humain, de penser que ce senti- ment d’une crainte commune, d’un intérêt com- mun, ait préparé et en quelque sorte commandé l’abolition soudaine des droits féodaux, la renon- ciation à des privilèges odieux, l’égale répartition des impots proportionnelle aux revenus, enfin tous ces actes d’équité, qu’on a déshonorés, di- sait Mirabeau, en les appelant des sacrifices. Quels que soient les noms qu’ils méritent, ils furent d’a- bord acceptés comme tels dans la capitale : ils ex- citèrent une reconnaissance, une admiration uni- verselle, un enthousiasme égal à celui qui avait saisi l’assemblée nationale dans la séance de cette nuitmémorable du 5 août. La joie remplissait tous les cœurs, brillait dans tous les yeux. Les citoyens s’abordaient, se félicitaient, s’embrassaient sans se connaître : on eût dit, en voyant cet échange de sentimens affectueux, que la suite de la révolu- tion ne pouvait plus désormais amener ni périls ni malheurs. Mais bientôt cette première efferves- cence se dissipa, et on s’apperçut que la nature des choses n’était pas changée. Le peuple conçut que, si l’assemblée venait de renverser le colosse féodal, il n’était pas brisé ; et il se chargea de ce soin. La secousse que les nouveaux décrets venaient de donner à la France, pour être salutaire, n’en était II. 24