Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/35

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mesurais des regards, dit-il, et me croyais tout au moins un Thésée. » Tout allait bien ; la collection d’animaux, d’oiseau, d’insectes , s’accroissait tous les jours ; mais ces richesses étaient déposées sur un vaisseau qui se trouvait à la rade. Il serait trop long d’exposer les raisons politiques qui, aux approches de la flotte anglaise, obligèrent le capitaine de faire sauter en l’air son vaisseau. Qu’on se figure la position d’un homme que la passion des voyages, des sciences, des découvertes arrache à sa patrie, aux regrets de sa femme, de ses enfans, envoyé au delà des mers chercher des dangers de toute espèce, et qui voit en un instant ses collections, sa fortune, ses projets, ses espérances, gagner, dit-il, la moyenne région et s’y résoudre en fumée. Ce n’est pas tout, il fallait fuir les vainqueurs, et gagner le Cap. C’est ce qu’il fit avec le désespoir dans le cœur ; mais il avait un ami. M. de Boers, ne le voyant point revenir avec les autres fugitifs, s’en inquiéta et le fit chercher dans l’asile où il s’était retiré en attendant des secours d’Europe. « Monsieur , lui dit tranquillement M. Boers, vous n’oublierez pas que vous m’êtes recommandé. Revenez à vos projets ; c’est à moi de pourvoir aux détails. Acceptez, je le veux. — J’acceptai, dit l’auteur, l’offre de cette ame généreuse ; un refus l’aurait trop blessée. » On conçoit de quelle espèce furent les apprêts du voyage. Deux grands chariots, dont l’un chargé de tout ce qui convenait à un naturaliste ; l’autre