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DE CHAMFORT. 55

Leur loi défend de prêter à intérêt à leurs frères, et leur ordonne de ne pas les traiter comme des étrangers. Il y a, dans la langue hébraïque, comme dans toutes les langues des peuples civilisés , deux mots , dont l'un exprime l'idée d'intérêt , l'autre celle d'usure. Le texte hébreu porte le premier. Mais le traducteur latin la rendu par le second , fenerabis; et voilà une malheureuse nation calom- niée en Europe pendant dix siècles, par la méprise d'un interprète et pour une équivoque de langue. On en conclut l'ordre, ou du moins la permission d'exercer l'usure à l'égard des étrangers ; et le pré- cepte d'une bienveillance fraternelle envers celui qui ne leur est pas lié par le sang, devient le germe d'une des calomnies les plus atroces dont on puisse flétrir un peuple et la mémoire d'un législateur , objet du respect des Chrétiens.

C'est dans l'ouvrage même qu'il faut lire la ré- ponse à l'objection prise du danger de voir l'Al- sace envahie par les Juifs de la province.

Croirait-on que, de nos jours, on a osé dire que l'admission des Juifs à la qualité de citoyen manifesterait une sorte d'opposition à la volonté de Dieu même, qui a déclaré que les Juifs seraient toujours malheureux? Comme il est visible qu'il faut des malheureux à ceux qui font cette objec- tion , M. Godard, par un ménagement oratoire , commence par les tranquilliser à cet égard , et par^ssurer leur plaisir. Il leur fait observer que les Juifs seront toujours malheureux de n'être pas

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