Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/119

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DE CïïxVMFORT. l 1 ï

Il faut, autant qu'on le peut, fixer toujours l'at- tention sur les grands objets, et parler peu des petits, mais avec dignité. Préparez, quand vous voulez toucher ; n'interrompez jamais les assauts que vous livrez au cœur. Les plus beaux senti- mens n'attendrissent point, quand ils ne sont pas amenés ou préparés par une situation pressante , par quelque coup de théâtre, par quelque trait vif et animé. Il faut toujours, jusqu'à la fin , de l'inquiétude et de l'incertitude sur la scène.

Je remarquerai que , toutes les fois qu'on cède ce qu'on aime , ce sacrifice ne peut faire aucun effet, à moins qu'il ne coûte beaucoup : ce sont les com- bats du cœur oui forment les grands intérêts. De simples arrangemens d^mariage ne sont jamais tragiques , à moins que , dans ces arrangemens même , il n'y ait un péril évident et quelque chose de funeste.

Le grand art de la tragédie est que le cœur soit toujours frappé des mêmes coups, et que des idées étrangères n'affaiblissent pas le sentiment domi- nant. Partout où il n'y a ni crainte , ni espérance, ni combats du cœur, ni circonstances attendris- santes , il n'y a point de tragédie : c'est une loi du théâtre qui ne souffre guère d'exception.

Ne commettez jamais de grands crimes , que quand de grandes puassions en diminueront l'atro- cité , et attireront même quelque compassion des spectateurs. Cléopâtre, à la vérité, dans la tragédie de Piodogune, ne s'attire nulle compas-

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