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UE CHAMFORT. 103

vouloir , sans l'avoir mérité , tombe dans des malheurs et dans des crimes qui me font dresser les cheveux d'horreur.

La première réflexion que je fais en consé- quence, c'est de m'indigner de l'ascendant de ma destinée sur moi , de gémir sur ma dépendance des dieux : la seconde , c'est de ne plus craindre des crimes qui se commettent nécessairement , ni de m'affliger de malheurs dont toute ma pru- dence ne peut me garantir.

Le théâtre moderne ne prétend pas nous gué- rir de la pitié ni de la terreur , ni simplement se borner à exciter ces deux grandes -affections en nous , pour le plaisir de nous faire verser des lar- mes et de nous épouvanter ; mais il prétend s'en servir comme des deux plus puissans ressorts pour nous porter à l'horreur du crime et à l'amour de la vertu.

Ce n'est plus par l'ordre inévitable des destins que le crime et le malheur arrivent sur notre théâtre ;, c'est par la volonté de l'homme , que la passion égare et emporte. La terreur réfléchie se joint à la terreur directe , et elle devient plus morale et plus fructueuse pour le spectateur.

La terreur est , pour ainsi dire , le comble de la pitié ; c'est par l'une qu'il faut aller à l'autre. Les malheurs épouvantables tomberont sur un homme, que j'en serai peu touché, si vous ne me l'avez pas montré d'aJDord digne de ma compas- sion et de ma pitié.

IV. i3

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