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DE CUAMFORT. 107

Les premières tragédies formèrent des specta- cles plus horribles qu'intéressans : l'apparition des furies qui poursuivaient un coupable , Pro- méthée attaché à un rocher, tandis qu'un vautour lui déchire le foie ; voilà ce qu'Eschyle exposa sur la scène dans l'enfance de i'art dramatique. Mais bientôt après, Sophocle adoucit ces taljleaux affreux : il fit de la terreur, le ressort de la tragé- die; et si riîorreur se montra quelquefois sur la scène , comme dans la tragédie d'OEdipe , où ce malheureux prince se fait voir aux spectateurs le visage couvert de sang, après s'être percé de sou épée, l'auteur tempère cette atrocité par le pathé- tique qu'il y mêle.

Les atrocités ne font d(i l'effet au théâtre oiie quand la passion les excuse , quand celui qui va tuer quelqu'un a des remords aussi grands que ses attentats, et quand cette situation produit de grands mouvemeus.

Il ne faut émouvoir les spectateurs qu'autant que les spectateurs veulent être émus. 11 est un point au-delà duquel le spectacle est trop dou- loureux : tel est pour nous, peut-être, celui d'Atrée, qui donne le sang d'un fils à boire à son père; tel serait pour des Français celui d'OEdipe, si l'on n'avait pas adouci le cinquième acte de So- phocle.

Cela dépend du naturel et des moeurs du peu- ple à qui l'on s'adresse; et par le degré de sensibi lité qu'il apporte à ces spectacles, on jugera du

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