Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 211

pourrait faire rire ceux qui ont le cœur bien fait ; un retour secret sur eux-mêmes leur ferait trou- ver plus de charmes dans la compassion.

Le ridicule est essentiellement l'objet de la co- médie. Un philosophe disserte contre le vice , un satirique le reprend aigrement , un orateur le combat avec feu ; la comédie l'attaque par des railleries , et elle réussit quelquefois mieux que les plus forts argumens.

La difformité , qui constitue le ridicule , sera donc une contradiction des pensées de quelque honmie , de ses sentimens , de ses mœurs , de son air , de sa façon de faire , avec la nature , avec les lois reçues , avec les usages , avec ce que semble exiger la situation présente de celui en qui est la difformité.

Un homme est dans la plus basse fortune , il ne parle que de tétrarques et de; princes ; il est de Paris, à Paris il s'habille à la chinoise.; il a cinquante ans , et il s'amuse sérieusement à atteler des rats de papier à un petit charriot de cartes; il est accablé de dettes, ruiné, et veut apprendre aux autres à se conduire et à s'enrichir. Voilà des difformités ridicules, qui sont, comme on le voit, autant de contradictions aNec une cer- taine idée d'ordre ou de décence établie.

Il faut observer que tout ridicule n'est pas ri- sible. Il y a un ridicule qui nous ennuie , qui est maussade : c'est le ridicule grossier. Il y en a un qui nous cause du dépit , parce qu il tient

�� �