Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 227

la scène ; il n'y a point d'air propre à peser les raisons de la nécessité d'un départ : mais quelque simple et touchant que soit l'adieu de Mandane, quelque tendresse qu'une habile actrice mette dans la manière de déclamer ces quatre vers , ils ne seraient que froids et insipides , si on se bor- nait à les réciter.

C'est qu'il est é s ident qu'une amante pénétrée, qui se trouve dans la situation de Mandane, répé- tera à son amant , au moment de la séparation , de vingt manières passionnées et différentes, les mots cités plus haut. Elle les dira , taîîtôt avec un attendrissement extrême , tantôt avec résigna- tion et courage, tantôt avec l'espérance d'an meil- leur sort, tantôt dans la confiance d'un heureux retour. Elle ne pourra recommander à son amant de songer quelquefois à sa solitude et à ses peines, sans être frappée elle-même de la situation où elle va se trouver dans un moment : ainsi les ac- cens prendront le caractère de la plainte la plus touchante, à laquelle Mandane fera peut-être suc- céder un effort subit de fermeté , de peur de rendre à Arbace ce moment aussi douloureux qu'il l'est pour elle.

Cet effort ne sera peut-être suivi que de plus de faiblesse ; et une plainte, d'abord peu violente, finira par des sant^lots et des larmes. En un mot, tout ce que la passion la plus douce et la plus ten- dre pourra inspirer dans cette position à une âme sensible, composera les élémens de l'air de

�� �