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5l3o OEUVRES

plutôt que de chercher à la varier par de froides périphrases.

Le style lyrique doit donc être énergique , na- turel et facile. Il doit avoir de la grâce; mais il abhorre l’élégance étudiée. Tout ce qui sentirait la peine, la facture ou la recherche, une épi- gramme, un trait d’esprit, d’ingénieux madrigaux, des sentimens alambiqués, des tournures compas- sées, feraient la croix et le désespoir du compo- siteiu’ : car quel chant , quelle expression donner à cela ?

Il y a même cette différence essentielle entre le lyrique et le poète tragique, qu’à mesure que ce- lui-ci devient éloquent et verbeux , l’autre doit devenir précis et avare de paroles, parce que l’éloquence des momens passionnés appartient toute entière au musicien.

Rien ne serait moins susceptible de chant , que toute cette sublime et harmonieuse éloquence par laquelle la Clytemnestre de Racine cherche à sous- traire sa fille au couteau fatal. Le poète lyrique , en plaçant une mère dans une situation pareille , ne pourra lui faire dire que quatre vers :

Rends mon fils

Ah ! mon cœur se fend :

Je ne suis plus mère , ô ciel !

Je n’ai pins de fils.

Mais , avec ces quatre petits vers , la musique fera en un instant plus d’effet , que le divin Ra-