Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/264

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offre aux yeux indignés la douloureuse image
d’un héros avili dans un long esclavage !
De son illustre époux seconder les projets ;
utile dans la guerre, utile dans la paix,
sentir ainsi que lui les fureurs de la gloire ;
l’enflammer, le pousser de victoire en victoire :
voilà par quelle adresse elle a su l’asservir.
Sans la braver, du moins, laissez-là vous haïr.
Eh ! Par quelle imprudence augmentant nos alarmes,
contre vous-même ici lui donnez-vous des armes ?


LE PRINCE.


Comment ?


ACHMET.


Pourquoi, seigneur, tous ces chefs, ces soldats,
qui jusqu’au pied des murs ont marché sur vos pas ?
Pourquoi cet appareil qui menace Byzance,
et qui d’un camp guerrier présente l’apparence ?


LE PRINCE.


N’accuse pas des miens le transport indiscret.
Aux ordres du sultan j’obéissais, Achmet ;
j’annonçais mon rappel ; et le peuple et l’armée,
tout frémit : on s’assemble ; une troupe alarmée
m’environne, me presse et s’attache à mes pas.
On s’écrie, en pleurant, que je cours au trépas ;
je m’arrache à leur foule ; alors, pleins
d’épouvante,
furieux, égarés, ils volent à leur tente,
saisissent l’étendart, et d’un zèle insensé,
croyant me suivre, ami, m’ont déjà devancé.
Pardonne : à tant d’amour, hélas ! Je fus sensible.
Et quel serait, dis-moi, le mortel inflexible,