Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/294

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ROXELANE.


Oui, par mon sang ! Lui seul doit expier
des affronts que jamais rien ne fait oublier.
Sous les yeux de son fils, ma rivale en silence
vingt ans de ses appas a pleuré l’impuissance.
Il l’a vue exhaler, dans ses derniers soupirs,
l’amertume et le fiel de ses longs déplaisirs ;
il revient poursuivi de cette affreuse image ;
et, lorsque mon nom seul doit exciter sa rage,
il me voit, calme et fière, annonçant mon dessein,
lui montrer son forfait attesté par son seing.
Dis-moi si, pour le trône élevé dès l’enfance,
le plus fier des humains oublîra cette offense.


ZÉANGIR.


Je vais vous étonner ; le plus fier des humains
verrait, sans se venger, la vengeance en ses
mains ;
le plus fier des humains est encore le plus tendre…
je prévoyais qu’ici vous ne pourriez m’entendre ;
mais, quoi que vous pensiez, je le connais trop
bien…


ROXELANE.


Insensé !


ZÉANGIR.


Votre cœur ne peut juger le sien ;
pardonnez. Mon respect frémit de ce langage ;
mais vous concevez mal qu’on pardonne un outrage.
Un autre l’a conçu. Je réponds de sa foi,
et vos jours sont sacrés pour lui comme pour moi ;
il sait trop qu’à ce coup je ne pourrais survivre.


ROXELANE.


J’entends… pour prix des soins où l’amitié vous
livre,