Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/315

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Il verra leurs respects dans leur sombre tristesse ;
on m’aime en chérissant sa gloire et sa vieillesse.
Suspect dans mon exil, nourri, presque opprimé,
à révérer son nom je les accoutumai ;
son fils à ses vertus se plut à rendre hommage :
que ne m’a-t-il permis de l’aimer davantage !
On ne vient point : ô ciel ! On me laisse en ces
lieux,
en ces lieux si souvent teints d’un sang précieux,
où tant de criminels et d’innocens, peut-être,
sont morts sacrifiés aux noirs soupçons d’un maître
que tarde le sultan ? S’est-il enfin montré ?
A-t-il vu ce tumulte, et s’est-il rassuré ?
Et Zéangir ! Mon frère, ô vertus ! ô tendresse !
Mon frère, je le vois, il s’alarme, il s’empresse ;
de sa cruelle mère il fléchit les fureurs ;
il rassure Azémire, il lui donne des pleurs,
lui prodigue des soins, me sert dans ce que j’aime :
une seconde fois il s’immole lui-même.
Quelle ardeur enflammait sa générosité,
en se chargeant du crime à moi seul imputé !
Quels combats ! Quels transports ! Il me rendait
mon père ;
c’est un de ses bienfaits, je dois tout à mon frère.
Non, le ciel, je le vois, n’ordonne point ma mort ;
non, j’ai trop accusé mon déplorable sort ;
j’ai trop cru mes douleurs, tout mon cœur les
condamne.
Je sens qu’en ce moment je hais moins Roxelane.
Mais quel bruit ! Ah ! Du moins… que vois-je ?
Le visir !
Lui, dans un tel moment ! Lui dans ces lieux !