Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/330

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Belton.

Revenez au plutôt : un cœur comme le mien
Doit, vous n’en doutez pas, goûter votre entretien.
Votre oncle m’est fort cher : je l’aime ; mais son âge
M’impose du respect, et m’interdit l’usage
De ses épanchemens à l’amitié si doux ;
Mon cœur en a besoin, et les garde pour vous.



Scène II.

BELTON, seul.

Je revois ce séjour ! je vis parmi des hommes !
Quel sort vais-je éprouver dans les lieux où nous sommes ?
Cet hymen d’Arabelle, autrefois projeté,
Devient, dans ma disgrâce, une nécessité.
Généreuse Betti, tes soins et ton courage
Sauvent mes tristes jours, m’arrachent au naufrage :
Je saisis le bonheur au fond de tes déserts,
Et je trouve une amante au bout de l’univers.
Pourquoi donc te ravir à ce climat sauvage ?
Étais-je malheureux ? Ton cœur fut mon partage.
Ô ciel ! je possédais, dans ma félicité,
Ce cœur tendre et sublime avec simplicité ;
Heureux et satisfaits du bonheur l’un et l’autre,
Dans un affreux séjour quel destin fut le nôtre !
Le mépris n’y suit point la triste pauvreté ;
Le mépris, ce tyran de la société,
Cet horrible fléau, ce poids insupportable
Dont l’homme accable l’homme et charge son semblable.