Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/112

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<poem> Sur leurs sophas lachement étendus, D’esprit, de corps également perclus ; Du fade objet dont l’aspect les accable Multiplier l'image insupportable. J’ai vu Crassus, pour échapper au temps. Dans sa langueur en compter les instans. La montre d’or nonchalamment tirée Dit qu’en secret il maudit sa durée. Son triste cœur voudrait, dans son ennui, La démentir, s’inscrire en faux contre elle; Mais le témoin muet et trop fidelle Obstinément dépose contre lui. Combien mes yeux ont surpris de bassesse Sous ces dehors, sous cet éclat trompeur! Oui. que le ciel, punissant ma faiblesse, Sur ton ami signale sa fureur, Si, de mon cœur démentant la noblesse , J’osais tremper dans leur lâche bonheur ! Que l’amitié , pour tous deux indulgente , A sur nos jours épanché de douceurs ! Avec quel art sa faveur bienfaisante De nos plaisirs variait les couleurs ! Par la gaîté tantôt enluminée , Tantôt moins vive , encor plus fortunée , Elle portait par degrés dans nos cœurs , Après l’essor d’une libre saillie , Ce doux sommeil , cette mélancolie , Qui de l’amour imite les langueurs. Souvent muets dans notre nonchalance , Trop sûrs de nous pour craindre un seul moment Qu’on ne la prît pour de l’indifférence , Nous nous taisions, et cet heureux silence <poem>