Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

^68 * OEUVRES

S'il est un vrai talent , par le sorl opprime,

Qui, faute d'uii regard, languisse inanimé ;

Craignez de l'avenir la terrible sentence;

Mais , non : votre pays vous a jugé d'avance.

Ah ! si vous ignorez le prix des vrais talens ,

Demandez-le à ces r'ois dont les soins vigilans,

Arrachant cette plante à son climat stérile,

Feront germer ses fruits sur un sol plus fertile.

3]ais il reste un espoir aux talens méconnus :

C'est de répandre au moins l'exemple des vertus ;

Cette gloire est certaine, et ne craint point d'outrage.

L'exemple des vertus est la dette du sage ;

Ses écrits sont un don fait à l'humanité.

Que le mortel sensible , épris de leur beauté ,

Las de voir des cœurs morts, leurs vices, leur bassesse ,

Dans ces fiers monumcns retrouvant sa noblesse ,

Contemple avec transport les traits de sa grandeur,

Et cherche un doux asile auprès de votre cœur.

l.h bien ! il faudra donc, dans cette lice immense ,

Fatiguer, tourmenter ma pénible existence.

Pourquoi ? pour embrasser une ombre qui s'enfuit.

Désespère à la fois celui qui la poursuit,

Celui qu'elle a trompé, celui qui la possède !

Cruelle illusion, qui m'échappe et m'obsède ,

Qu'à travers mille écueils il me faudra chercher ,

Que, jusque dans mes bras, on viendra m'arracher !

Heureux du moins , heureux, si la haine et l'envie,

Complices de ma mort et bourreaux de ma vie ,

Souffrent que sur ma cendre on sème quelques fleurs,

Qui croissent aiq)rès d'elle, et naissent quand je meurs'

Dieu ! qu'enlens-je ? est-ce ainsi qu'on parle de la gloire ?

S'élever par son ruiie , ennoblir sa mémoire ,

�� �