Page:Chamfort - Maximes et pensées éd. Bever.djvu/27

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n’aura rien dit qui ne le soit un jour. On le citera longtems ; on répétera dans plus d’un bon livre des paroles de lui, qui sont l’abrégé ou le germe d’un bon livre… Ne craignons pas de le dire : on n’estime pas à sa valeur le service qu’une phrase énergique peut rendre aux plus grands intérêts. Il est des vérités importantes qui ne servent à rien, parce qu’elles sont noyées dans de volumineux écrits, ou errantes et confuses dans l’entendement ; elles sont comme un métal précieux en dissolution ; en cet état, il n’est d’aucun usage ; on ne peut même apprécier sa valeur. Pour le rendre utile, il faut que l’artiste le mette en lingot, l’affine, l’essaye, et lui imprime sous le balancier des caractères auxquels tous les yeux puissent le reconnaître. Il en est de même de la pensée ; il faut, pour entrer dans la circulation, qu’elle passe sous le balancier de l’homme éloquent ; qu’elle y soit marquée d’une empreinte ineffaçable, frappante pour tous les yeux, et garante de son aloi. Chamfort n’a cessé de frapper de ce genre de monnaie, et souvent il a frappé de la monnaie d’or ; il ne la distribuait pas lui-même au public, mais ses amis se chargeaient volontiers de ce soin ; et, certes, il est resté plus de choses de lui, qui n’a rien écrit, que de tant d’écrits publiés