Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/103

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À cent brasses du pier, un trois-mâts appareille ;
Au bocage, l’oiseau prélude sous le pin,
Soudain un bruit de chaîne arrive à notre oreille.
Le vieil éclaireur vient de jeter le grappin.

Aussitôt douze boats mouillent l’ancre à la ronde ;
Et les crocs appâtés vont plongeant, replongeant.
Et l’on tire à foison de la vague profonde
Les voraces haddocks aux nageoires d’argent.

Quels frétillants amas de chair vertigineuse !
Tout un banc tombe aux mains des Paspéyas adroits ;
Et, lorsque midi luit sur l’onde moutonneuse
La flotille gaîment revient au barachois.

Leur cargaison livrée au maître de la grave,
En hâte, pour dîner, tous rentrent sous leurs toits.
Au moment de trancher le pain bis, l’aïeul, grave
Et le front baissé, fait sur l’entame une croix.

Après un court repas, ces hommes forts et braves,
Qui tout à l’heure encor narguaient le gouffre amer,
Engerbent, jusqu’au soir courbés sur les emblaves,
Les lourds épis de blé qu’ils métivaient hier.