Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/104

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Leur cœur constamment flotte entre l’onde et la terre.
En labourant le sol si calme des aïeux,
Ils songent, inconstants, à quitter la jachère
Pour courir sillonner les flots tumultueux.

Pendant que la senteur de la glèbe les grise,
Sur l’épais gazon vert ou le long guéret brun,
Ils rêvent de humer le varech dont la brise
Ce matin leur soufflait l’âcre et subtil parfum.

Fascinés par la vague, ils raillent la Science
Qui voudrait enrichir leur terroir appauvri,
Et l’attrait des guérets que leur main ensemence
Leur fait presque haïr la mer qui les nourrit.

À chaque aube nouvelle, ils partent pour la pêche ;
Tous les soirs, dans les prés que Dieu seul irrigua,
Ils mouillent de sueur la faucille ou la bêche,
Et bien rares pour eux sont les jours de dégrat.

Sur les eaux, leur adresse égale leur courage ;
Et, quand le vent glacé d’automne bat les flots,
Il est beau de les voir manœuvrer sous l’orage.
Arvor n’a jamais eu de plus fiers matelots.