Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/219

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Avait déjà repris son mouvement fébrile.
La foule s’animait comme une onde qui bout.
Et moi, que le soleil trouve toujours debout,
J’écoutais la rumeur, incessamment accrue,
Qui dans l’air glacial s’élevait de la rue,
Je regardais, ayant entr’ouvert mes volets,
Où dansaient vaguement quelques rayons follets,
Les feuilles tournoyer à flots devant les portes ;
Et je les comparais aux illusions mortes
Qui, gardant de l’espoir comme un reflet moqueur,
Tourbillonnent encor sur les chemins du cœur.

Tout à coup, à travers le grand bruit monotone
De la ville, un refrain de romance bretonne,
Dit sur un ton vibrant d’inénarrable émoi,
Sur les ailes du vent arriva jusqu’à moi,
Comme l’écho perdu d’une douleur immense.
Je me penchai pour voir d’où venait la romance.
Presque en face, debout sur le trottoir glacé,
Un pauvre mendiant aveugle, tout cassé,
Vers les passants tendait vainement sa sébile
D’un bras peut-être aussi timide que débile,
La bouche épanouie et souriant aux cieux.