Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/84

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Entre les bouts lointains de son trail zigzaguant
Sous l’immense forêt solitaire et muette,
Plus d’un mois le vaillant Loubier fait la navette,
Par les jours de soleil et les jours d’ouragan.

Que de périls il court dans le désert sauvage !
Qui dira ses ennuis, ses angoisses, ses maux ?
Si la froide pluie a fait déborder les eaux,
Il lui faut traverser les torrents à la nage.

Et les grands pins gercés et morts plus qu’à demi,
Mais qui portent encor au firmament leur tête,
En s’écroulant, la nuit, aux chocs de la tempête,
Menacent de broyer le chasseur endormi.

Et comme il voit bientôt s’épuiser sa farine,
Et que la venaison reste son seul manger,
Parfois il sent le ver du scorbut le ronger.
Toujours l’inquiétude ou la fièvre le mine.

Loin du hameau natal, loin des siens anxieux,
La nostalgie étreint son âme endolorie.
Souvent sa rude main sur sa joue amaigrie
En tremblotant essuie un pleur silencieux.