Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/94

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Le soir, tous ces gloutons sont encor plus voraces.

Près de vastes brasiers qui rougissent les faces,
Ayant pour tout abri le dais du firmament,
La pitance engouffrée, ils parlent bruyamment.
Quelques-uns, à l’écart, évoquent la mémoire
De leurs fiers devanciers, Bolduc, Duval, Grégoire,
Les deux Demers, José Nadeau, Pierrot Lecours.

Les jeunes, l’œil ardent, causent de leurs amours.

Les vieux, gardant au cœur la foi de leurs ancêtres,
Fidèles aux leçons que leur donnent les prêtres,
Avant de se coucher sur l’herbe ou le galet,
En commun, recueillis, disent le chapelet ;
Et l’impétueux flot voisin semble se taire
Pour ouïr s’élever dans l’ombre et le mystère,
― Lent, calme, solennel, rythmique, harmonieux,
Monotone et berceur, le murmure pieux
Qui, pendant que la nuit couvre tout de ses voiles,
Avec le chant des eaux monte vers les étoiles.

Bientôt la gang s’endort, sans crainte et sans soucis,
En demi-cercle, autour des brasiers obscurcis ;