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à l’opéra. Et, de fait, il n’est pas douteux que l’apparition d’un Don Juan rossinien eût confondu les fervents de la musique ; car on peut admettre avec certitude, que celui de Mozart devant le vrai public des théâtres, devant celui qui décide des succès, eût été obligé de céder le pas, sinon pour toujours, du moins pour très-longtemps, au Don Juan de Rossini. Car le véritable résultat obtenu par Rossini dans la tjuestion de la musique fut celui-ci : il fit du public, avec ses désirs et ses penchants, un vrai « facteur » de l’opéra.

Si le public d’opéra avait le caractère et l’importance du peuple, dans le vrai sens de ce mot, Rossini nous apparaîtrait comme un révolutionnaire radical dans le domaine de l’art. En face d’une société qui n’est qu’une excroissance anormale du peuple, qui, dans son inutilité sociale, ne peut être considérée que comme un nid de chenilles rongeant les feuilles saines et nutritives de l’arbre populaire, afin d’en tirer tout au plus la force nécessaire pour passer, comme un essaim de papillons, une existence éphémère et luxueuse, en face d’une classe capable de s’élever à une élégance vicieuse, mais non à une culture vraie et humaine, en face de notre