Page:Charnacé - Musique et Musiciens, vol2, 1874.djvu/146

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Tous ces sérieux dramaturges musicaux s’étaient plus ou moins trompés eux-mêmes, en attribuant l’effet de leur musique moins à l’essence purement mélodique de leurs airs qu’à l’intention dramatique qu’ils leur avaient donnée. Les théâtres lyriques étaient, de leur temps et surtout à Paris, le lieu de réunion de beaux esprits esthétiques et d’un beau monde qui s’efforçait à être également esthétique et bel esprit. L’intention esthétique sérieuse des maîtres fut accueillie par le public avec respect ; toute la gloire du législateur artistique rayonna autour du musicien, qui entreprenait d’écrire le drame en notes, et son public s’imaginait volontiers être saisi par la déclamation dramatique, quand en réalité il était tout simplement entraîné par le charme de la mélodie de l’air. Lorsque le public, émancipé par Rossini, put enfin s’avouer cela franchement et sans détour, il confirma, par là, une vérité tout-à-fait incontestable. Il justifia ce phénomène entièrement logique et naturel : que là, où non-seulement suivant l’opinion extérieure, mais aussi suivant le plan artistique de l’œuvre d’art, la musique est la chose principale, toute la poésie, réduite à l’état de simple auxiliaire et toute intention dramatique indiquée par elle, doivent rester nulles et sans effet.