Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sœurs. Il aimait peu la société et il en fut bientôt chassé par la politique : il était alors du vieux parti. Je n’ai point connu d’écrivain qui fût plus semblable à ses ouvrages : poète et créole, il ne lui fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier et une femme. Il redoutait le bruit, cherchait à glisser dans la vie sans être aperçu, sacrifiait tout à sa paresse, et n’était trahi dans son obscurité que par ses plaisirs qui touchaient en passant sa lyre :

Que notre vie heureuse et fortunée
Coule en secret, sous l’aile des amours,
Comme un ruisseau qui, murmurant à peine,
Et dans son lit resserrant tous ses flots,
Cherche avec soin l’ombre des arbrisseaux,
Et n’ose pas se montrer dans la plaine.

C’est cette impossibilité de se soustraire à son indolence qui, de furieux aristocrate, rendit le chevalier de Parny misérable révolutionnaire, insultant la religion persécutée et les prêtres à l’échafaud, achetant son repos à tout prix, et prêtant à la muse qui chanta Éléonore le langage de ces lieux où Camille Desmoulins allait marchander ses amours.

L’auteur de l’Histoire de la littérature italienne[1], qui

    décrits par Saint-Pierre dans Paul et Virginie étaient faux ; mais Parny enviait Bernardin. » (Note manuscrite de Chateaubriand, écrite en 1798 sur un exemplaire de l’Essai.) Ce curieux exemplaire, donné un jour par Chateaubriand à J.-B. Soulié, rédacteur de la Quotidienne, après avoir passé dans la bibliothèque de M. Aimé-Martin, dans celle de M. Tripier et enfin dans celle de Sainte-Beuve, est possédé aujourd’hui par Mme la comtesse de Chateaubriand.

  1. Guinguené. — Voir sur lui la note 2 de la page 107.