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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

par le faible fil d’une vie humaine. Peut-être suis-je destiné à voir rompre ce dernier lien de l’affection d’un père ! »

La philosophie, rarement touchante, l’est ici au souverain degré. Et ce n’est pas là la douleur oiseuse d’un homme qui ne s’était mêlé de rien : Jefferson mourut le 4 juillet 1826, dans la quatre-vingt-quatrième année de son âge, et la cinquante-quatrième de l’indépendance de son pays. Ses restes reposent, recouverts d’une pierre, n’ayant pour épitaphe que ces mots : Thomas Jefferson, Auteur de la Déclaration d’indépendance[1].

Périclès et Démosthène avaient prononcé l’oraison funèbre des jeunes Grecs tombés pour un peuple qui disparut bientôt après eux : Brackenridge[2], en 1817, célébrait la mort des jeunes Américains dont le sang a fait naître un peuple.

On a une galerie nationale des portraits des Américains distingués, en quatre volumes in-octavo, et, ce qu’il y a de plus singulier, une biographie contenant la vie de plus de cent principaux chefs indiens. Logan, chef de la Virginie, prononça devant lord Dunmore ces paroles : « Au printemps dernier, sans provocation aucune, le colonel Crasp égorgea tous les

  1. Thomas Jefferson (1743-1826) fut le troisième président des États-Unis (les deux premiers avaient été Washington et John Adams). Élu en 1801 et réélu en 1805, il resta huit ans à la tête de l’administration. C’est lui qui réunit la Louisiane aux États-Unis.
  2. Brackenridge (Henri), né à Pittsburg en 1786. Outre deux études sur Jefferson et Adams et une Histoire populaire de la guerre de 1814 avec l’Angleterre, il a publié un Voyage dans l’Amérique du Sud (1810), — La Louisiane (1812), — et les Souvenirs de l’Ouest (1834).